Photo de Simon Woolf

Fragments de Nuit, inutiles et mal écrits : 22

 

- Qui ça, on ? Ç’a pas l’air de gêner Nika tant qu’y se met du pèze dans les poches.

- Je travaille pas pour Nika, mange-grain. T’imagines peut-être que j’ai obtenu le rôle de ton jeu débile en passant un casting ou en pompant des nÅ“uds. Je fais partie d’un autre clan situé au même niveau que celui de Nika. Et ce qu’il faut que tu piges, c’est que chaque cellule de même échelon est indépendante. Ainsi les gangs peuvent tenter de rester isolés, de se faire la guerre ou de s’allier. Celui de Nika et le mien se sont associés. Sans même que tu le saches, mon groupe impose une taxe sur le Golgotha.

- Hein ?

- Ben sur les deux cent cinquante euros que je me fais àchaque partie, j’en garde cinquante et en reverse deux cents aux miens. Je parie que ça te la coupe, ha ! Donc tu vois, ton idée de me faire jouer la pute, tu peux te la carrer bien profond.

- Et si je suis pas d’accord ?

- Nika te fera changer d’avis avec un canon de Sig Sauer sur la tempe.

- Mais c’est du racket !

- Considère ça comme de la protection... par exemple, contre les incendies. Les hangars flambent comme des torches dans les parages.

- (…)

- Ha ! Mais ne t’inquiète pas, mon petit vor. Tu es jeune et tu apprendras vite les règles du vrai jeu. Ton frère et toi, vous avez une belle carrière de criminels devant vous. À propos, ton robot n’est pas trop esquinté ?

- Tu plaisantes ou quoi ? Quelques rougeurs par-ci par-là, même pas de quoi faire un bleu. Ondro a l’habitude d’encaisser le centuple àchaque entraînement de free-fight. En plus, Michael est une petite boule de graisse qu’a jamais fait de sport de sa vie. Il a rien dans le sac. J’espère que tous les gamers seront comme lui.

- Rassure-toi, les hommes d’affaires pétés de graisse seront ton marché cible.

 

Fragments de Nuit, inutiles et mal écrits : 23

 

Tatiana ne manque pas de flair. En dehors des bordels de luxe, Golgotha devient l’attraction la plus prisée des grands businessmen de passage àBratislava : investisseurs anglais, PDG vietnamiens ou trafiquants italiens. Dès leur arrivée sur le sol slovaque, tous reçoivent une plaquette vidéo commentée par Michael en personne. Un responsable communication d’origine allemande, nommé Karl, doit négocier avec l’adjoint du client un « Â Entertainment Tour  » qui inclut un repas gastronomique, le Golgotha et une virée dans un prostibule de luxe. Une fois n’est pas coutume, Karl a été recruté dans le clan de Tatiana et impose d’emblée une commission de cinq pourcents par partie, ce qui contraint Pet’o àrogner sur sa part et celle de son frère. Mais le commercial assure en échange pléthore de games et une forte hausse des tarifs imposés. Pour ce qui est de la gestion, c’est encore àNika d’assurer. L’entrepôt se transforme en véritable usine. Un semi-remorque vient dégueuler son pacson de meubles tous les matins. Une équipe de constructeurs et une autre de nettoyeurs s’activent non-stop afin de remettre le bordel àneuf après chaque partie. Et chaque soir, y’a le camion-benne qui passe afin de ramasser la casse. Cette croissance fulgurante d’activité fait de Pet’o le Walt Disney de Petrzalka. Il conquiert ainsi son nom et son renom de « Â Mali Vor  ».

 

Fragments de Nuit, inutiles et mal écrits : 24

 

La mère des deux frangins voit d’un très mauvais Å“il les nouvelles fréquentations de ses fils, ce pognon si rapidement gagné, et pour couronner le tout, ce stupide surnom de « Â Mali Vor  ». D’autant plus que le petiot a plaqué l’école. Et pour faire quoi ? Ça, personne ne le sait réellement. Les rumeurs les plus folles courent sur son rôle au sein des vory, notamment celle de « Â l’enfant tueur àgage  ». D’un côté, la daronne n’en croit pas son fils capable, de l’autre, elle ne sait pas quoi en penser. Elle est déjàrassurée de voir que les combats d’Ondro ont cessé car elle n’en pouvait plus de rétablir ses amochages, qui auraient fini par le rendre complètement zinzin. Par ailleurs, elle est impressionnée par la sobriété de Pet’o, qui donne la moitié de son salaire àses parents et place l’autre moitié sur un honnête compte en banque (après lessivage en sale et due forme...). Il ne dépense rien, le bougre, mais préserve son trésor en vue d’investissements futurs. Le Golgotha ne constitue qu’une porte d’entrée dans l’univers financier de la truande, où il compte bien régner en maître... un jour. En attendant, son jeu cartonne au-delàdes espérances. Il offre une expérience jouissive inédite et unique au monde. Et comme avec une très bonne prostituée, les clients payent pour une heure et dégorgent au bout de vingt minutes. Puis ils se cassent de leur plein gré, assouvis, sans regretter les quarante minutes non consommées.

 

Richard Palachak

Tweeter

Suivre @blackoutedition

© Black-out